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La rĂ©volte des canuts de 1831 – #2 🏴

Podcast Histoires Et Gognandises Lyonnaises 1

Samedi 21 novembre 2020

Il y a 189 ans, la première révolte des canuts commençait à la Croix-Rousse. Deuxième épisode, la révolte des 21, 22 et 23 novembre 1831.

Retrouvez l’Ă©pisode #1 ici, et l’Ă©pisode #3 ici.

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Ce texte est composé d’extraits de “Les révoltes des canuts (1831-1834)” de Fernand Rude, paru aux éditions La Découverte

Le 21 novembre 1831, entre sept et huit heures du matin, des rassemblements se forment Ă  la Croix-Rousse.

Vers dix heures, un détachement de gardes nationaux, composé surtout de soyeux, se présente. Une discussion s’engage avec les ouvriers ; l’officier s’écrie : “Pas tant de ménagements pour cette canaille !” Ses hommes s’avancent la baïonnette en avant. Une grêle de pierre les accueille. Les canuts s’élancent avec leurs poings nus. Ils désarment les uns tandis que les autres opèrent une “retraite précipitée”.

Puis les ouvriers, se tenant par le bras, descendent la Grande Côte. Ils sont sans armes et vont réclamer de l’autorité l’exécution du tarif.

Ils se trouvent face à face de nouveau avec un peloton de la garde nationale. Sans aucune sommation, les gardes nationaux ouvrent le feu ; plusieurs ouvriers tombent, les autres remontent à la Croix-Rousse en criant « aux armes, aux armes, on assassine nos frères ».

Sur la place de la Croix-Rousse, des amas de pavés sont formés de distance en distance. Une partie de la garde nationale s’est réunie aux insurgés et, tous ensemble, ils descendent en courant vers la cité des riches. La bataille est acharnée. Les ouvriers, même sans armes, se jettent sur les détachements de fabricants et frappent avec des pierres ou avec les poings. Des voitures sont renversées aux carrefours ; des barricades s’élèvent rapidement. Des enfants et des femmes aident à les dresser. En quelques points stratégiques, les ouvriers occupent les maisons et se postent aux fenêtres ou sur les toits.

A la cĂ´te Saint-SĂ©bastien, un peloton du 66e de ligne refuse de tirer. Les officiers doivent faire ouvrir les rangs pour laisser passer la garde nationale devant. Cette fois encore ce sont les soyeux en armes qui tirent le premier coup de feu.

À midi, une colonne de soldats de ligne et de la garde nationale ayant à sa tête le préfet Du Molart et le général monte la Grande Côte. Reçue à coups de fusil, de cailloux, de tuiles et de pierres, elle recule puis reprend sa marche. Le préfet et le général acceptent de parlementer. Ils sont conduits à la mairie de la Croix-Rousse. Le préfet harangue la foule assemblée sous les fenêtres, prodigue des paroles de conciliation. Leur unique réponse : “Du travail ou la mort ! Nous aimons mieux périr d’une balle que de faim !”

Mais sur plusieurs points de la fusillade recommence. L’intervention du préfet ne serait-elle pas une manoeuvre destinée à endormir les ouvriers afin de donner au général le temps de rassembler ses forces et d’écraser les révoltés ? On saisit le préfet et le général qui ne sont sauvés que par la générosité de quelques chefs de section. Ils sont retenus prisonniers.

Sur une barricade est arboré un drapeau noir (symbole de deuil avant de devenir le drapeau de l’anarchie). De bouche en bouche courrait un mot d’ordre : « Vivre en travaillant ou mourir », calqué sur le cri révolutionnaire « Vivre libre ou mourir ».

Vers dix heures du soir, sur sa promesse de faire cesser les hostilités et d’obtenir des fabricants l’exécution du tarif, le préfet est relâché.

Le 22 novembre, vers cinq heures du matin, une colonne de 350 hommes débouche sur la place de la Croix-Rousse. Ce sont des ouvriers de la Guillotière et des Brotteaux qui ont fait un détour de 16 kilomètres par Saint-Just et Vaise et le pont de Saint-Rambert pour venir au secours de leurs camarades.

À 8h, deux compagnies et un détachement montent la côte des Carmélites pour prendre d’assaut le plateau de la Croix-Rousse. Arrêtée par des barricades, cernées de toutes parts et criblées de feu partis des fenêtres des maisons ouvrières, la colonne est contrainte de capituler. Les canuts contrôlent aussi la Grande Côte et la montée Saint-Sébastien.

La fusillade se rapproche du centre-ville. Des femmes et des enfants se rendent maîtres de la caserne du Bon-Pasteur. Occupée par les ouvriers, la grande maison Brunet (place Rouville), qui domine la rue de l’Annonciade et le quartier Saint-Vincent, devient une des principales forteresses de la révolte.

Les rues, les places, les quais se hérissent de barricades. Le tocsin sonne à l’église Saint-Paul et à l’église Saint-Pothin. Dans la presqu’île, des boutiques d’armuriers sont enfoncées et pillées. Des ouvriers de tous les quartiers et de toutes les professions se sont joints aux canuts.
Les ponts de la Guillotière et Morand sont aux mains des révoltés.

Vers sept heures du soir, les ouvriers sont maintenant maîtres de tous les faubourgs et de presque toute la ville. Il ne reste plus au pouvoir des autorités qu’un seul point cerné de toutes parts : l’hôtel de ville. À minuit : le général Roguet décide d’évacuer la ville. Vers 2h du matin, Lyon est maintenant au pouvoir des insurgés.

La bataille a été dure. Le chiffre de 600 ne paraît pas exagéré pour le total des victimes. Les militaires comptent plus de 100 morts.

Le 23 novembre, entre 4h et 7h du matin, les ouvriers prennent possession de l’hôtel de ville.

A la maison Auriol, sur le quai de Retz, d’où des coups de feu ont été tirés la veille, on jette par les fenêtres les meubles, marchandises, registres, livres de compte, dont on fait un immense bûcher. Mais, si l’on détruit, on ne pille pas. Deux voleurs, pris sur le fait, sont fusillés séance tenante.

Se forme dans la matinée une sorte de gouvernement nouveau qu’on appelle « l’état-major provisoire », dont la composition sociale est fort hétérogène. D’un côté, les chefs des ouvriers en soie, préoccupés de faire appliquer le tarif. De l’autre, les républicains militants. Ils vont bientôt essayer de renverser les autorités officielles et de faire de l’état-major un gouvernement pleinement insurrectionnel.

À l’Hôtel de Ville est décidé d’un manifeste où apparaît l’idée d’une représentation professionnelle ouvrière et annonce la réorganisation de la garde nationale qui devait sans doute être recrutée surtout parmi les ouvriers. Mais les chefs de section s’empressent de rédiger une protestation contre l’appel à la révolution lancé par leurs camarades de l’Hôtel de ville.

Les rĂ©voltĂ©s se divisent sur les suites Ă  donner. Aucun pouvoir ne fonctionne plus Ă  Lyon : les autoritĂ©s « lĂ©gitimes » pas plus que les autoritĂ©s insurrectionnelles. Le prĂ©fet et l’armĂ©e vont profiter des divisions des insurgĂ©s pour petit Ă  petit reprendre la ville en main…

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